San'kia, chronique d'une mélancolique errance
San'kia est le troisième roman de Zakhiar Prilepine.
Prilepine est né le 7 juillet 1975. Il a fait partie des forces de l'ordre dans les service des Omon ( équivalent russe des CRS en violent ) et a combattu en tchétchénie.
( Source Wilipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Zakhar_Prilepine )
C'est un écrivain et linguiste, journaliste, rédacteur en chef de l'édition régionale de Novaïa Gazeta, l'un des derniers organes de presse indépendant. C'est là qu'écrivait Anna Politovskaia. Il est aussi l'un des responsables du Parti National Bolchevique. Ce nom de parti apparaîtra surprenant voire nauséabond au lecteur. Ce parti est d'abord représentatif de l'état de décomposition politique des forces démocratiques russes. Il regroupe des militants ( les natsboly ) qui sont souvent les seuls à se battre contre le régime de poutine, que ce soit la monétarisation des avantages sociaux et la guerre en tchétchénie. Ces militants sont jeunes, révoltés et d'un engagement passionné. Certains vont jusqu'à se convertir à l'islam pour marquer leur opposition au régime. Leur guide Edouard Limonov est écrivain et poête et a dernièrement fait paraitre "Mes prisons " ' ed Actes Sud ) sur son séjour en captivité.
Ecoutons ce qu'en dit Anna Politovskaia même si elle ne partage pas leurs convictions, dans son livre "Douloureuse Russie", Folio Documents, 2006, Traduction N Rutkevitch, P 231 "Il faut dédiaboliser les natsboly : ce sont avant tout des jeunes gens qui constatent que les opposants historiques n'entreprennent rien de sérieux contre le régime actuel. C'est pourquoi ils se radicalisent."
( Pour plus de précision sur la situation politique russe et pour éviter que cette fiche lecture ne se réduise à un exposé sur le sujet je vous renvoie à de prochains articles sur l'ouvrage de Anna Politovskaia Douloureuse Russie et sur celui de Limonov " Mes prisons". et à ces liens
http://fr.wikipedia.org/wiki/Limonov
http://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_national-bolchevique )
San'kia est le troisième roman de prilepine traduit en français. Il est militant d'un groupuscule d'activistes russes les " soyouzniki" qui ont pour mentor Kostenko, à ce moment là en prison. Le lecteur connaissant la vie politique russe aura reconnu des traits des natsboly et de son inspirateur Limonov.
Le roman débute par un meeting qui tourne à la manifestation violente avec de nombreuses dépradations et des affrontements avec les forces de police. Sacha, diminutif de San'kia, décide de se réfugier provisoirement chez ses grands parents en campagne.
Pendant tout le roman sacha sera en continuel errance entre le
village de ses grands parents et la ville pour échapper à la police, voir sa famille et ses camarades de parti. Cela permets à l'auteur de donner la parole à toute une palette de la population afin d'offrir un tableau
d'ensemble de la russie actuelle.
Prilepine prends soin d'éviter de laisser son héros s'égarer dans des lieux communs. Lors du décès de son père il préfère décrire le parcours chaotique vers le village ou le cerceuil doit être enterré que l'enterrement lui même pour donner un des passages les plus poignants de son roman " des funérailles à la russe". C'est là une des clés du roman qui est tout du long un requiem de la russie dévoré par l'alcool et la guerre, détruite par un pouvoir corrompu et des oligarques richissimes fonctionnant en mafia.
Face à ceci l'auteur décrit la révolte sans issue des soyouzniki " C'était le nom qu'ils se donnaient.Ce mot qui semblait absurde au début avait acquis avec le temps une consistance, une sonorité, un sens"( P78)."( En réalité cela n'avait jamais été de la politique.Mais c'était devenu la seule chose sans doute qui donnait un sens à sa vie"
(" Terroristes de velours" , ils jetaient des oeufs ou balancaient sur les personnalités célèbres ou désagréables. Et pourtant de simples vestes abimées leur valaient plusieurs mois, voire même un an de prison"P81 ).
Ce ne sont là que des préliminaires avant l'escalade finale. Si le roman n'offre pas d'issue il sait saisir des moments fugaces de poésie " il tomba une pluie douce, chantante et tendre, comme si un enfant de quatre ans passait à côté à vélo" P195.
Il se peut que ce roman qui décrit un personnage pris entre son cercle familial qui va disparaitre et son engagement politique qui ne lui offre aucune issue apparaisse comme trop désespéré pour être lu. N'empêche c'est l'écho de toute une russie qu'on y entend.
Un dernier mot pour évoquer la quatrième de couverture. Un critique Russe y est cité qui parle d'un auteur à la mode. C'est très sot.